LE TOR DES GEANTS EN 12 JOURS DE RANDONNEE, du 7 au 19 juillet 2014.

Durant nos vacances de juillet 2014, nous avons décidé de randonner autour de la Vallée d’Aoste en empruntant le parcours de la course " Le Tor des Géants ", qui suit l’alta via No 2 et l’alta via No 1.

Venant de Suisse, nous passons le Grand-Saint-Bernard en voiture que nous parquons pour débuter notre tour à St-Rhémy en Bosses, dans le haut du village, à une centaine de mètres du parcours.

Nous avons prévu 12 jours, avec des étapes prédéfinies mais seule une nuit a été réservée. En effet, selon la météo, cela peut modifier nos plans et nous ne voulons pas être stressés par des contraintes. Nous avons 2 jours de plus à disposition si cela s’avère nécessaire. Nous le faisons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, comme la course.

Ce compte-rendu peut aider les lecteurs à organiser des vacances dans cette magnifique région où l’accueil est fantastique par des gens sympathiques et ouverts. La langue n’est pas un problème pour les francophones qui ne parle pas l’italien car les Valdotains parlent français aussi, pour l’apprendre à l’école en deuxième langue, avec une culture francophone encore présente. Le français est aussi langue officielle, même si tous les actes officiels ne sont pas traduits. Ce compte rendu peut vous donner une indication des temps de marche. En général, nous montons bien plus vite que les temps donnés car on avait plaisir à faire monter un peu les pulsations, mais les parties planes ou descendantes, nous marchions sans nous prendre la tête, sans chercher forcément à aller vite. Nous prenons le temps aussi d’admirer la flore, la faune, le paysage.

1er jour : St-Rhémy-en-Bosses-Col de Malatra-Refuge Bonatti-Courmayeur

Distance du jour : 32 km, distance totale : 32 km.
Temps « en route » : 8h10, temps total : 8h10

Dénivellation positive : 1610 m, dénivellation positive totale : 1610 m
Dénivellation négative : 2035 m, dénivellation négative totale : 2035 m

Nous partons avec un temps légèrement venteux et ensoleillé mais le ciel est moutonné de nuages blancs sur les sommets environnants. La première montée dans les champs de hautes herbes non-fauchées nous mouillent les chaussures et les jambes, les irritant aussi. Il a plu durant la nuit et le maigre soleil n’a pas encore réussi à faire sécher les herbages qui recouvrent parfois complètement le sentier, difficile à trouver parfois. Plus on prend de la hauteur, plus le sentier devient visible car l’herbe est de moins en moins haute. Le soleil se fait voler sa place par un brusque brouillard qui monte du fond de la vallée, alors que nous nous approchons du refuge Frascatti. C’est alors une averse de pluie puis de grésil glacé qui nous trempe le dos, renforcé par un vent violent qui nous pousse à la montée. Nous avons juste le temps de sortir nos vestes imperméables pour nous mettre à l’abri. Les jambes sont nues, nous portons des pantalons courts et le froid les rougit. Du fait de tenir les piolets, nos mains sont aussi gelées, même avec les gants qui sont devenus trempes en rien de temps.

St-Rémy en bosse, notre point de départ, le col Malatra dans la neige et Courmayeur notre 1ère étape.

Cette pluie glaçante dure une trentaine de minutes et finit par s’estomper sur le petit replat avant d’attaquer la montée finale pour passer le Col. Mais les tâches de neige encore bien présentes et le brouillard nous empêchent de voir le marquage du sentier que l’on perd dans la face, tout comme nous n’avons pu situer le Col. Nous escaladons alors droit en haut, entre une rimaye de neige et un bord rocheux, sur une quarantaine de mètres d’ascension, où la pente est vraiment raide, trop raide pour la gravir sur la neige sans mettre nos crampons de course, probablement aussi trop peu agressifs pour crocher sur ce névé pentu. Au sommet de cette partie neigeuse, il faut la traverser en prenant garde de ne pas déruper. Je taille des marches. Par chance, de l’autre côté, des cordes fixes bleues nous rassurent, nous sommes de nouveau sur le sentier qui nous mène rapidement au Col de Malatra à 2936 m d’altitude.

De l’autre côté, les névés descendent encore plus bas, nous nous trouvons du côté nord-ouest. La pluie reprend de plus belle durant une bonne heure alors que nous descendons dans les alpages en direction du refuge Bonatti. Nous rencontrons un Anglais qui lui, fait le tour du Mont-Blanc, par petites étapes. Il vient de Courmayeur par le Col Sapin et fait étape à Bonatti. La pluie moins forte alterne avec des accalmies ensuite jusqu’à Courmayeur.
Dans la descente, j’ai un doute, je me dis que je n’aurai pas le physique pour faire ce tour, ayant déjà des courbatures et étant très fatigué. Et si le parcours donne 23 km, mon GPS en indique déjà près de 30 et nous ne sommes pas encore arrivés. A la lecture du profil du TDG, imprimé depuis le site internet de la course, je me rends alors compte que c’est 29 km qui sont donnés. Donc ça me rassure un peu et Julia me fait remarquer que notre week-end n’était pas très reposant en Allemagne, puisque nous avons participé à une fête avec une rentrée vers 2h du matin samedi et un mariage avec rentrée aussi vers les 2 h du matin le dimanche. Et le réveil du lundi matin était assez matinal, car il a fallu rouler pour nous rendre au Val d’Aoste. Ok, gardons le moral et confiance en nos capacités, on verra au jour le jour…

A Courmayeur, une nouvelle belle averse finit de nous mouiller complètement. Julia achète une paire de piolets dans un magasin de sport. Elle s’est rendu compte que sur les passages pentus et spécialement sur les névés, autant à la descente qu’à la montée, les piolets l’aidaient à maintenir son équilibre et qu’elle glissait moins facilement.
Nous dormons à l’hôtel Venezia, très proche du centre et bon marché. Nuit et petit-déj, 53 € la chambre.
Pour 47 €, nous mangeons chacun une salade mêlée et une pizza géante au resto du Casino, avec une grande bière qui passe à merveille.

2ème jour : Courmayeur-Dolonne-Alpage d’Arp-Col d’Arp-Vallon de Youlaz-La Thuile-Refuge Deffeyes

Distance du jour : 32 km, distance totale : 64 km.
Temps « en route » : 9h51, temps total : 18h01

Dénivellation positive : 2595 m, dénivellation positive totale : 4205 m
Dénivellation négative : 1345 m, dénivellation négative totale : 3380 m

A la fin du village de Dolonne, le sentier s’élève en zig zag dans une belle forêt, avant d’en sortir et de suivre une piste d’alpage et de s’arrêter en cul de sac à l’alpage d’Arp, vers une très longue écurie, déserte et sans vie. Nous voyons un chevreuil qui s’enfonce dans la forêt, dans un contour du chemin. Des marmottes déguerpiront à notre approche et leurs cris stridents nous indiquent leur présence, que nous ne voyons pas toujours de prime abord. Il y a encore un peu plus haut de vieilles maisons qui tombent en ruine et dont le toit a déjà partiellement déménagé à l’étage inférieur. Les toits faits de dalles de granit pèsent trop lourds pour les charpentes non-entretenues aux infiltrations d’eau qui pourrissent les poutres qui finissent par céder. Les murs sont alors aussi repoussés sur les côtés sous l’effet d’écartement du toit qui lâche le plus souvent sur le milieu. Donc les parois dégringolent.
Nous avons droit à quelques flocons de neige à partir de 2200 m d’altitude, jusqu’au Col d’Arp qui culmine à 2571 m. Là, nous ne sommes pas très sûrs de la direction à prendre, le panneau indiquant une direction incertaine entre 2 sentiers, un qui descend et un autre qui part à flanc de coteau. Un ancien fort militaire se trouve à une cinquantaine de mètre à côté. La lecture de la carte et l’appréciation de l’environnement nous fait prendre la bonne direction. Nous perdons le sentier sur un replat marécageux et partons trop sur la gauche. Nous coupons à la descente l’alpage assez raide et marécageux pour retrouver le sentier au fond du vallon. Arrivé à un hameau, nous suivons la route et remarquons bien plus bas que nous avons loupé le sentier qui part à flanc de montagne pour La Thuile. Nous faisons donc un assez gros détour sur cette petite route asphaltée, puisque nous arrivons à Balme, petit hameau où un pont nous permet de traverser la rivière et reprendre la route qui monte à La Thuile.

Au Col d’Arp, une gentiane jaune géante d’1m70, une maison de Balme et le Refuge Deffeyes

Le soleil a remplacé la pluie et la température est agréable. A l’approche d’une épicerie, me vient l’idée d’acheter des fruits. J’opte pour des pêches, bien grosses qui ont l’air appétissantes et juteuses, bien mûres. Je prends un sachet et en dépose une, puis des yeux choisit celle que je prends en deuxième quand arrive le boss du magasin. Il me dit, non, c’est moi qui fais ça, il me reprend la pêche de ma main, la dépose dans le cageot et enlève la pêche qui se trouve dans le sachet pour la remettre en place. Mais je veux ces 2 pêches, lui dis-je et ne comprends pas pourquoi il redépose celles que j’avais choisies. C’est mon job, c’est moi qui les prends me fait-il comprendre… sur ce je lui dis eh bien garde-les tes pêches…Du coup, on n’aura pas eu nos fruits mais je ne suis pas prêt à jouer le jeu d’un imbécile. En effet, l’autre magasin était fermé et dans la chocolaterie, confiserie de la fin du village, il n’y avait pas de fruits. C’était plus le fait d’une envie que de devoir compléter nos réserves, qui sont assez conséquentes pour tenir quelques jours pour le peu que nous mangeons la journée. Avec de copieux repas du soir et un bon petit-déjeuner, nous tenons les 4 premières heures en général sans manger et ensuite nous mangeons de temps en temps quelque chose, des fruits secs ou des bouts de viande ou de fromage, avec un peu de pain.

La montée sur la cabane Deffeyes passe par un sentier qui surplombe plusieurs cascades assez spectaculaires. J’ai aussi appris que le Col du Petit-St-Bernard part de La Thuile et que la frontière avec la France n’est pas très loin des sommets environnant quand nous arrivons à la cabane vers 18h30, de nouveau sous une averse bien froide. Nous mangeons vers 20h une bonne portion de polenta gratinée au fromage, un ragoût bien épicé dans une soupe de légumes et un flan au chocolat le tout arrosé de bière. Le malt contient des vitamines…bonnes pour la tête.

Nous payons sauf erreur 93€ pour la demi-pension pour nous deux et le repas du soir et le petit-déjeuner sont assez copieux. La patronne, sympathique, nous apprend qu’elle avait pris le départ l’an passé du Tor des Géants mais avait dû arrêter à Cogne, sauf erreur pour une foulure ? Nous sommes seuls dans un dortoir, il n’y a en effet encore qu’un autre couple qui dort cette nuit en cabane. La météo incertaine et plutôt pourrie a incité nombre de personnes à annuler leur réservation. Les sentiers sont à vrai dire assez déserts. Nous ne rencontrons que très peu de monde. La vue depuis la fenêtre de la salle à manger donne sur deux sommets pointus, Les Vedettes, qui font frontière avec la France, tout comme le Rutor aussi visible.


Peu avant la Cabane Deffeyes, le Rutor et les Vedettes vues depuis la fenêtre du Deffeyes

3ème jour : Refuge Deffeyes-Passo Alto-Promoud-Col Crosatie-Planaval-Valgrisenche

Distance du jour : 24 km, distance totale : 88 km.
Temps « en route » : 8h05, temps total : 26h06

Dénivellation positive : 1465 m, dénivellation positive totale : 5670 m
Dénivellation négative : 2270 m, dénivellation négative totale : 5650 m

Je m’amuse à comparer parfois nos temps de marche à ceux donnés par les panneaux pédestres. Ainsi, nous faisons 1h15 au lieu d’1h30 pour monter au Passo Alto à 2857 m avec arrêt déshabillage après un départ bien enveloppé de plusieurs couches d’habits en raison du froid ambiant, proche du zéro degré. Nous nous égarons aussi un peu du sentier ce qui nous fait perdre du temps dans un pierrier et pour retrouver le bon cheminement après une traversée de torrent. Des glaçons pendent un peu partout aux rochers, suite à la pluie de hier soir et de la nuit glaciale qui a saisi l’eau ruisselante. Nous atteignons Promoud en 2h38 au lieu de 3h. Dans la descente, nous lugeons sur nos fesses sur un névé pentu. Ensuite, la progression est scabreuse car la neige ne recouvre pas suffisamment les pierres et nous partons parfois au fond. Julia tombe et son cri me fait craindre le pire, je crois qu’elle s’est tordue la jambe, au pire déchiré des ligaments du genou ou cassé la jambe car je l’ai vu pivoter mais en fait elle est retombée sur son postérieur sur une pierre pointue. Elle aura un magnifique bleu sur une fesse. Heureusement, son pied n’était pas coincé, de sorte qu’en pivotant, sa jambe a pu suivre ce mouvement. Plus bas, nous traversons une zone où presque tous les arbres ont été couchés par une avalanche. Cela nous amène à Promoud où l’alpage a souffert de ladite avalanche car l’annexe du bâtiment, où se trouve la cuisine et une autre pièce est séparée de la bâtisse principale au niveau du toit par une faille, tout comme le haut des murs. La force de la neige et du déplacement d’air a défoncé portes et fenêtres et à l’intérieur, c’est tout sens-dessus-dessous. L’entier de l’annexe est de guingois, décollée du bâtiment malgré que ce soit construit en maçonnerie traditionnelle. C’est un alpage dont les constructions sont pourtant récentes. Des branches sont à l’intérieur. Je fais plusieurs photos.


Ronde d’hélicoptère à Deffeyes, glaçons et signalisation, sommet encore enneigé et Julia « caméléon »

Ma comparaison de temps pour gravir les 800 m de dénivelé jusqu’au Col Crosatie, à 2829 m, m’apprend que nous avons gagné 40 minutes. Nous faisons 1h20 au lieu des 2h. Il faut dire que les flocons de neige qui nous accompagnent sur les derniers 300 m de dénivelé nous permettent de monter allègrement quasi sans transpirer. Cela nous incite vraiment à ne pas vouloir prendre froid en forçant l’allure. Une petite stèle est plantée là en souvenir du concurrent Chinois qui est mort dans les environs lors du Tor des Géants.
Nous ne nous attardons pas trop longtemps car les chutes de neige nous accompagnent toujours. Le ciel est noir et très bas, ce qui ne nous rassure pas non-plus. Que nous réserve la météo ? Finalement, plus bas, cela s’améliore et le ciel est plus dégagé à mesure que l’on s’approche du fond de la vallée. La vue est splendide sur la vallée en direction des sommets qui lui font barrage au Sud. De petits villages et quelques champs de culture, des prés, des troupeaux de vache. La vraie carte postale avec les cimes enneigées au fond. Nous passons par plusieurs alpages qui tombent en ruine, parfois une maison a encore l’air d’être plus ou moins utilisable, mais probablement plus utilisée ou alors pendant les semaines des 4 jeudis.


Descente rapide sur les fesses sur les névés, Dégât d’avalanche dû au souffle à l’alpage de Promoud,

Le fond de la vallée nous accueille avec Planaval, magnifique hameau aux maisons collées les unes aux autres. Une fontaine nous permet de refaire le plein de nos bouteilles et de se rafraichir un peu, Julia se rince les pieds. Un hôtel à la sortie du village pourrait très bien servir de relais d’étape mais pour nous il reste encore à monter jusqu’à Valgrisenche. Nous faisons le temps indiqué sur les panneaux pour ce tronçon mais nous perdons plus de 5 minutes avec une vache noire de combat belliqueuse qui nous barre le chemin. A droite, des buissons nous empêchent de passer, à gauche un mur et du vide qui donne sur le torrent. Donc l’unique passage n’est pas à disposition. Elle doit sûrement nous prendre pour ses adversaires car arrivé à une dizaine de mètres d’elle, elle se lève, tape du pied, le frotte d’avant en arrière, baisse un peu son avant-train et se frotte la tête au sol, puis reprend sa position avec sa jambe qui regratte le sol, comme prête à charger. A chaque fois, je recule un peu et m’immobilise, Julia est derrière moi à une dizaine de mètres bien attentive elle aussi. Nous nous voyons alors obligé de rebrousser chemin jusqu’à la route que nous suivons pour éviter ce petit pâturage. Nous passons à côté d’un gros bloc de roche dont une bouche géante, en fait une fissure avec la forme de lèvres entrouvertes, orne la face du côté du chemin. Je prends une photo. Nous prenons aussi le temps de bavarder avec un vieux monsieur dans un hameau qui nous explique différentes choses sur les subventions que reçoivent les gens qui rénovent leur maison. Le style est assez uniforme dans les constructions et suit certaines règles pour maintenir ces villages traditionnels. Certains n’ont que leur papier déposé, sans vivre sur place pour pouvoir être élus bien qu’habitant en plaine, ou dans les villes de Milan, Turin ou autres, où se trouve du travail. Des pistes de ski font monter les gens au village en hiver.


Col de Crosatie à 2838m, Descente sur Planaval, Vue en direction de Valgrisenche, Bouche de rocher !

Foyer de montagne de Valgrisenche, Neige fraîche nocturne, Génépi ? Non paraît-il, Vue sur Col Fenêtre de Rhême


A Valgrisenche, un petit magasin nous permet d’acheter des fruits… pêches et poires bien mûres et juteuses, d’autant meilleures qu’on a attendu un jour de plus pour pouvoir s’en régaler. Nous achetons aussi du fromage et saucisse sèche du terroir et d’autres aliments pour compléter notre réserve, dont 500 g de pruneaux dénoyautés qui vont nous requinquer durant plusieurs jours pour des encas rapides pour retrouver de l’énergie, quand nous montons rapidement les cols. Nous trouvons à la sortie du village, au hameau Mondange distant de quelques centaines de mètres, une chambre dans l’hôtel « Foyer de montagne », anciennement la bâtisse qui a servi à loger les travailleurs occupés à la construction du barrage situé un peu plus haut. D’abord on nous dit que c’est plein et qu’il faudrait peut-être retourner au village pour trouver une chambre. Je dis que je ne ferai pas un mètre en arrière et devant notre insistance et après avoir fait téléphoné à la cabane « Chalet de l’Epée », située à 2h30 de marche plus haut où semble-t-il c’est aussi complet, on nous demande de patienter un peu. Le fils du patron, engagé en cuisine nous apprend, après un téléphone avec son boss de père, que nous pouvons avoir une chambre. Il y a un camp de foot pour enfants milanais et je pense qu’ils étaient déjà suffisamment bien occupés avec eux. Nous sommes reçus comme des rois avec un menu à rallonge fait de suppléments. Omelette, tagliatelle aux champignons, rôti et haricots, pizza, salade de fruits frais nous calent l’estomac qui en avait bien besoin. Ils nous offrent la bière et le génépi, spécialité de goutte de la Vallée d’Aoste. Le petit-déjeuner est très copieux et cette demi-pension coûte 110 € pour deux. A recommander…

4ème Jour : Valgrisenche-Chalet l’Epée-Col Fenêtre-Rhême-Col d’Entrelor-Eau Rousse-Bien (Valsavarenche)

Distance du jour : 32 km, distance totale : 120 km.
Temps « en route » : 7h09, temps total : 33h15

Dénivellation positive : 2500 m, dénivellation positive totale : 8170 m
Dénivellation négative : 2500 m, dénivellation négative totale : 8150 m

Nous montons à Chalet L’Epée et au Col Fenêtre très rapidement car il fait très froid à cause du vent. La neige fraîche est descendue à environ 2300 m d’altitude. J’essaie de savoir quelle plante est le génépi en vrai. Je prends plusieurs photos dans l’optique de montrer ces photos à des Valdotains, afin de savoir si cette plante est celle que je crois.

Je serai à chaque fois déçu de leur réponse négative. Ils me disent qu’elle ne fleurit pas avant fin juillet et qu’elle ne pousse qu’au-dessus de 2500 m dans des endroits où la végétation n’est pas trop en concurrence, donc sur des zones pauvres, assez caillouteuses, des moraines etc... Je ne peux que les croire mais pourtant je persisterai tout au long des 12 jours à scruter les plantes et j’en prendrai parfois en photo en espérant en avoir trouvé une touffe. En frottant une feuille, me disent-ils, cela sent et c’est assez typique. Je trouverai plusieurs plantes qui lui ressemblent et une sentira assez fort, à mon avis un peu comme la liqueur de génépi, mais on me dira que ç’en est pas. Après en avoir observé deux exemplaires au jardin botanique du Vallon de Van, au-dessus de Plan-sur-Bex, 2 semaines plus tard, je me dis que certaines plantes en étaient certainement… Le génépi fait partie de la famille des Artémisia, tout comme l’absinthe. Il y en a plusieurs sortes mais on m’a dit qu’ils ramassaient la noire ou la blanche, dite aussi la jaune. Contrairement aux absinthes, c’est une petite plante. Elle fait l’objet de protection et en Italie, il faut un permis pour la cueillir, à moins que l’on en prenne que 30 brins par personne si j’ai bien retenu la leçon. Il est conseillé de ne pas cueillir tous les brins à la même place afin de laisser une touffe vivante qui peut produire des graines et se reproduire. Il est aussi conseillé de la couper avec des ciseaux pour éviter d’arracher la plante du sol en tirant sur les tiges. En Suisse, il semble que ce soit interdit et en France, on peut aussi en prendre une certaine quantité très limitée, pour faire de la goutte à usage personnel. La goutte n’est pas distillée mais infusée.

Nous rencontrons pas mal de marcheurs qui redescendent de Chalet L’Epée et ils nous confirment que c’était assez plein à la cabane, était-ce complet, ils ne peuvent pas le certifier. C’est égal maintenant, nous avons superbement été gâtés, aux petits soins et la chambre était certainement plus confortable qu’un dortoir avec ronfleur et odeur de chaussettes…
Le Col Fenêtre est assez vertigineux sur les derniers 100 m d’ascension et encore davantage de l’autre côté. Avant d’atteindre le col, j’ai été induit en erreur par une croix en bois visible sur la gauche du col, à une centaine de mètres. Comme il n’y avait plus de sentiers, nous avons un peu dû escalader une ou deux barres rocheuses avant de constater qu’il était impossible de redescendre car cela donnait sur un précipice.

Nous avons donc rebroussé chemin, bien attentifs à ne pas dévisser pour retrouver le sentier peu marqué qui nous mène au seul passage possible, le Col Fenêtre à 2854 m d’altitude. La descente est vertigineuse, le sentier taillé dans la pente s’affaisse parfois mais nos semelles tiennent assez bien. Plus bas nous avons à traverser un passage dans un pierrier dont les pierres roulent sous notre poids et nos pas. Puis c’est un névé recouvrant le torrent qui nous incite à la plus grande prudence pour passer de l’autre côté. Nous taillons des marches dans sa partie inférieure un peu moins pentue et moins large pour minimiser les risques. Une chute ne serait certainement pas mortelle mais déjà bien dommageable. La suite de la descente se fait sur un sentier qui serpente sur les flancs herbeux de la montagne et nous arrivons à Rhême-Notre-Dame. Nous croisons un groupe de marcheurs dont certains viennent de notre région et le guide est aussi coureur de trail.

Vue sur le Col d’Entrelor, Vue arrière sur la Fenêtre de Rhême, le village de Rhême, Ecuries voûtées à Plan de Feye

Nous ne nous attardons pas trop à Rhême même si ce village nous charme par ses constructions typiques et ses petites ruelles. A revenir visiter assurément. La montée jusqu’au Col d’Entrelor est longue car cela implique 1300 m de dénivellation. Il faut d’abord traverser la forêt de mélèzes qui protège la vallée puis monter les pâturages. A 2393 m d’altitude à Plan di Feye, quatre voûtes profondes de 5 mètres environ et hautes de 2 mètres faisaient office je pense d’habitation et d’écuries par le passé. Les voûtes partent du sol et sont érigées en pierre. L’intérieur comporte des restes de crépi. Des emplacements carrés témoignent qu’ils y avaient des fenêtres et une vieille porte en bois est encore présente sur les deux voûtes du bas. Une brouette attire l’attention dans l’une d’elles avec un banc formé d’une planche posée sur deux pierres. Elles sont recouvertes de terre de sorte que la végétation pousse dessus. Sur celle de gauche ou la plus en aval se dresse encore une cheminée, on peut donc penser que c’était la maison des bergers. Une maisonnette est encore plus ou moins intacte. Ce lieu m’inspire et je m’attarde un peu à essayer de comprendre ce qu’il s’y passait. Il a l’air d’être déserté depuis de nombreuses années mais les restes ont l’air plus solide que les ruines des maisons traditionnelles.

La fin de la montée est toujours plus raide et l’adhérence est parfois limite sur ce sol noir humide, fait de débris de pierre. Il faut bien lever la tête pour suivre les marquages qui indiquent le meilleur passage entre les parties rocheuses. Les derniers hectomètres sont ensuite moins pentus et on peut lever la tête et profiter à nouveau du panorama. Le Col d’Entrelor est à 3002 m et nous faisons un peu de luge-postérieur sur le début de la descente. Il y a de grandes taches de neige mais la pente n’est pas partout assez raide pour pouvoir glisser sur notre postérieur. Au pied des névés, on peut admirer les fameuses soldanelles, petites fleurs violettes en forme de clochettes aux bords très découpés, très graciles, qui poussent juste après la fonte des neiges. Nous voyons deux chamois et des quantités de marmottes. Deux petits lacs avec la mention que des poissons ont été réintroduits. Puis suivent des prés toujours plus riches fleuris de centaines de fleurs aux couleurs variées. Les orchis vanille à la couleur pourpre très foncées poussent en grand nombre. Le nom de gouttes de sang est celui que j’ai retenu de mon enfance, toujours intéressé que j’étais à la flore alpine de préférence, les mêmes fleurs que celles poussant en plaine ayant toutes des couleurs plus vives. Les pures fleurs alpines étant les plus belles à mon goût avec de puissants parfums. On arrive après quelques arrêts d’observation des fleurs et de nombreuses photos à Eau Rousse. Nous avons retenu le conseil de descendre jusqu’au village de Bien, un kilomètre plus bas, pour dormir à l’hôtel camping Grivola. Nous sommes à nouveau superbement accueillis et la nourriture est à nouveau excellente. Demi-pension à 56 € p.p. Chambres rénovées et spacieuses dans un écrin de verdure et de calme, idéal pour des marcheurs fatigués.
Julia s’est rendu compte à Rhême-N. D. qu’elle a la clé de l’hôtel Foyer de Montagne dans sa poche. Le tenancier de l’hôtel Grivola, à qui nous exposons notre problème pour rendre la clé à son propriétaire nous aide à le résoudre. Par téléphone avec le Foyer de Montagne, nous convenons que la clé sera amenée par l’aubergiste, le lendemain, dans un bar connu du fond de la Vallée d’Aoste, au bas des vallées de Valgrisenche et de Valsavarenche où les gens font leurs grosses commissions. Cette solution convient bien à l’hôtelier de Valgrisenche, affaire résolue.

Col d’Entrelor enneigé, Le Col au loin et des prairies très riches en flore, des asters et des orchis vanille

Des sculptures en bois ornent les devantures de fenêtre de l’hôtel Grivola et sensible à cet art, je les prends en photo. Une vache, reine des alpages est particulièrement bien réussie et me rappelle la position de celle qui nous barrait le chemin la veille avec des envies belliqueuses.


Le hameau Eau Rousse, 2 des sculptures ornant les tablettes de fenêtre, la vallée de Valsavarenche

5ème jour : Bien (Valsavarenche)-Eau Rousse-Col Loson-Valnontey-Cogne-Lillaz

Distance du jour : 33 km, distance totale : 153 km.
Temps du jour: 9h29, temps total : 42h44

Dénivellation positive : 1810 m, dénivellation positive totale : 9980 m
Dénivellation négative : 1795 m, dénivellation négative totale : 9945 m

Nous suivons la route jusqu’à Eau Rousse puis nous attaquons la montée qui commence par une grande étendue jadis rasée par une avalanche, dont les arbres qui repoussent sont encore jeunes et ne présentent pas encore, tous ensemble le caractère de forêt. Deux jeunes gens d’une vingtaine d’année entretiennent le sentier, probablement des civilistes. La forêt de mélèzes et d’arolles qui nous accueillent ensuite durant une bonne heure de montée assez raide est magnifique et nous observons un chamois et quelques écureuils. Des panneaux didactiques expliquent l’histoire du bouquetin et son évolution depuis la prise de conscience pour le sauver de disparition. Ils seraient dans les 8'000 actuellement dans le parc national du Grand Paradis. Il n’était plus que quelque 400 après la deuxième guerre mondiale. A Livionaz inférieur se trouve une jolie maisonnette en dessus de la limite forestière et au départ du vallon qui part en direction du pied des crêtes, cols et sommets qui nous sépare de la vallée de Cogne. Nous nous trompons de sentiers et perdons une dizaine de minutes dans l’aventure pour l’aller-retour. Des marcheurs aperçus en contre-bas nous motive à presser le pas pour ne pas être rattrapé. Nous les distançons plus nous montons. Vers 2850 mètres, la neige est bien présente, celle fraîche de l’avant-dernière nuit et l’ancienne qui forme encore des névés. Nous rencontrons un client de l’hôtel où nous avons dormi en train de pique-niquer. Il nous dit ne pas vouloir passer le col, trop dangereux pour lui, trop enneigé, trop risqué avec son équipement. Il vient de Paris et nous demande de faire la commission d’avertir le Refuge Sella, au-dessus de Valnontey qu’il ne viendra pas dormir en nous donnant son nom. Nous ferons les chevaliers servants et avertiront le gardien qui nous remerciera d’être averti.


Les animaux du jour, une vache et un chamois, et vue sur la vallée de Valsavarenche depuis Livionaz

La montée en direction du col n’est pas aisée car le sentier est caché par la neige. On aperçoit seulement de ça et là parfois une marque jaune du balisage. J’attaque la pente droit en haut à l’extrémité d’un névé. Il est plus aisé de monter dans la neige, même si j’enfonce parfois jusqu’aux genoux que de progresser dans les roches instables qui le bordent. Vu la raideur de la pente et l’épaisseur de la neige, je ne tiens pas à m’aventurer au milieu du névé, ne sachant pas l’adhérence que cette neige fraîche a sur l’ancienne. Je n’ai pas envie de partir avec une coulée. Le piolet s’enfonce parfois jusqu’à la poignée, cela signifie qu’il y a bien plus qu’un mètre d’épaisseur neigeuse.

La neige masque les traces et marques, Pente du Col Loson, Julia dans les derniers mètres, Col Loson toit du tour

Bonne couche de neige fraîche, Le passage délicat, Juste après la rimaye aérienne, Bouquetins pas trop effrayés

Le sentier, à l’approche du col se refait visible, bien que largement recouvert de neige, mais il est taillé dans la masse des cailloux et sa largeur laisse une trace en zig zag qui s’élève jusqu’au Col Loson à 3299 m d’altitude. Je monte un peu plus haut, de sorte de m’assurer être au-dessus des 3300 m. Nous nous sommes un peu habillé pour ce dernier tronçon mais nous portons toujours nos pantalons courts de marche. Le début de la descente est raide et nous évitons de glisser car plus bas, c’est le trou. Nous longeons un peu les rochers et nous voilà stoppés par une rimaye de plus de 2 mètres de haut sur notre gauche. On ne voit pas bien ce qui se cache au-dessus et derrière mais il nous faut l’escalader. Le seul point possible pour le faire est sur la droite de la rimaye mais derrière nous, le sentier n’est large que pour une personne, c’est le précipice. Donc prudence… on ne se sent pas particulièrement à l’aise, surtout quand on a un peu le vertige. Finalement rassuré une fois au-dessus de l’obstacle car la suite paraît assez aisée et n’est plus vertigineuse. La première pente, nous la faisons en glissade de même que d’autres tronçons assez pentus pour cet exercice, moyen de transport nous gelant les fesses mais combien plus rapide ! Après une bonne demi-heure de descente dans la neige, nous nous arrêtons sur l’herbe pour changer de chaussettes. Un troupeau de bouquetins même pas trop effarouché broutent aux abords du sentier en contrebas. Ils ne sont pas particulièrement beaux car on dirait qu’ils ont la gale, ils perdent en lambeaux leur pelage d’hiver. Nous passons au refuge Sella et notre commission faite au tenancier pour l’avertir que X ne viendra pas, nous ne nous y attardons pas trop, le lieu étant envahi de touristes. Nous descendons jusqu’à Valnontey, village touristique qui sert de parking pour de nombreuses balades. Le sentier suit la route quasiment jusqu’à Cogne. Belle petite bourgade où nous faisons quelques achats de nourriture, de fruits frais, de cartes postales que nous écrivons sur une terrasse en face du Grand Paradis qui domine le fond de la vallée, tout en sirotant une bière bien fraîche. Etant donné qu’il est vers les 16h de l’après-midi, nous nous rendons à Lillaz après nous être assuré à l’office du tourisme que l’on y trouve des hôtels. La montée suit le torrent et est en pente très douce. Le village est plus calme mais non-dénué de charme.


Rifugio della Sella, Glacier environnant, Le village de Cogne avec une halte bière et le Gran Paradiso

Nous trouvons à louer une caravane pour 30 €, très propre, bien équipée avec de la place avec un auvent collé à elle, en fait elle a l’air d’un chalet à deux pièces. Les sanitaires du bâtiment sont très propres, on y mangerait par terre. Eau chaude comprise dans le prix et la sympathie des propriétaires est livrée d’office. Nous mangeons le soir dans un petit restaurant de succulentes spécialités. Nous commençons par une fondue valdotaine, suivie d’un orzetto ai funghi (comme un risotto mais avec de l’orge), de gnocchi à la farine de châtaigne également aux cèpes (ai funghi), puis comme dessert une crème de Cogne, à base de crème de noisette et 3 biscuits. Une délicieuse petite arvine de la Vallée d’Aoste finit de nous ravir pour accompagner tout ça. Il y a un autre camping à l’extrémité du village et 2 hôtels.

6ème jour : Lillaz-Refuge Sogno-Fenêtre de Champorcher-Refuge Dondena-Chardoney-Pontboset

Distance du jour: 39,5 km, distance totale : 192,5 km.
Temps du jour: 9h, temps total : 51h44

Dénivellation positive : 1350 m, dénivellation positive totale : 11’330 m
Dénivellation négative : 2170 m, dénivellation négative totale : 12’115 m

Matinée ensoleillée depuis Lillaz, Pluie glaçante et orage dès le Refuge Sogno, Fenêtre de Champorcher à 2827 m

Nous déjeunons dans un bar avec café et croissant chaud, et ne sachant pas qu’il est fourré à la confiture d’abricot, je me brûle la langue… et de plus je n’ai pas trouvé terrible, je l’aurais préféré normal ou du moins sans le réchauffer. Une tarte aux cerises finit de me caler. Le ciel est dégagé, on se dit qu’on va enfin avoir une journée sans pluie et sans précipitation neigeuse au passage du col. La montée à travers la forêt est de toute beauté, avec quelques passages de torrent dans la partie supérieure. Puis la forêt s’éclaircit et laisse place aux pâturages. Le sentier est comme un peu perché sur le haut d’une très ancienne moraine et plus bas on peut voir plusieurs alpages et d’importants troupeaux de vaches. Il faut dire qu’une route serpente jusqu’au refuge Sogno et dessert évidemment les lieux d’estivage. Nous passons sur le bas d’une énorme avalanche de pierre suite à l’écroulement d’un pan de montagne, de ces dernières années peut-être, car on ne voit encore aucun buisson poindre. Sur une grosse dalle branlante, je perds l’équilibre et chute en avant sur ma main droite. Le majeur est un peu tordu et la peau est loin tout près de la base du doigt, qui va enfler la journée et que je ne pourrai que difficilement mouvoir le soir et la nuit et le lendemain matin, avant que l’enflure disparaisse et que je puisse de nouveau le bouger. Il va me faire mal durant 2 mois, si je le tords un peu contre l’index. Une fêlure, un nerf écrasé ou peut-être fissuré ? Deux coureurs nous dépassent qui disent s’entraîner pour le Tor des Géants. Un peu plus loin, je trouve un gel que je consomme directement. Sûrement tombé de la poche d’un coureur.

A l’approche du refuge Sogno, le ciel s’assombrit soudainement avec le vent de face qui descend de la montagne d’en face, où se trouve le col. A 300 m de la cabane, nous décidons de nous hâter pour nous habiller chaudement vers celle-ci, afin d’être protégé sous l’avant-toit. Quand nous y arrivons, c’est une pluie fine et glaçante qui s’abat chassée par le vent. Le vrai sale temps. Nous repartons en vitesse à l’assaut du col, annoncé sur le panneau comme étant à 1 h de marche. Nous allons faire 28 minutes tout en ayant les mains congelées à tenir nos piolets. Nos gants sont hyper fins et une fois mouillés ne tiennent plus chaud. Quelques photos traditionnelles à la Fenêtre de Champorcher à 2827 m d’altitude sont mises en boîte. La météo ne nous incite pas à nous attarder. Le sentier est bien empierré à la descente, juste avant d’atteindre les pâturages. Il est aussi bordé d’un muret côté aval. Cela nous retient de couper par l’herbe, un si beau travail, respectons-le et utilisons donc ce cheminement.

Par contre, nous ne voyons pas l’embranchement qui aurait dû nous conduire au refuge Miserin. Nous voyons plusieurs petits groupes d’edelweiss sur une longueur de 200 mètres le long du chemin.

Edelweiss et primevère alpine : les belles du jour, Une maison à 3 entrées/étages après Dondena et Champorcher

Un vététiste monte péniblement et 3 jeunes marcheuses ensemble peinent aussi sous leur sac volumineux. Il est vrai que jusqu’à aujourd’hui nous n’avons pas vu grand monde sur les sentiers. La météo y est pour quelque chose. Nous sommes toujours sous la pluie et nous n’avons pas trop chaud avec ce mauvais vent froid. Nous passons le refuge Dondena sans nous arrêter. Là, nous retrouvons une piste carrossable aux voitures, puisque plusieurs y sont parquées. Plus bas, nous quittons la route et prenons dans les prairies et enfin dans la forêt le sentier qui surplombe le fond de vallée avec le torrent. Nous voyons de magnifiques lys orangé en pleine forêt. A Chardoney, nous recherchons un magasin mais nous en trouverons un à Champorcher, au village qui donne son nom à la vallée. Nous achetons une belle barquette de cerise, des biscuits et du chocolat pour 2 jours, de même que des saucisses sèches et du fromage valdotain, excellent, pour notre réserve.
Nous loupons un secteur du parcours, n’ayant pas trouvé le sentier qui doit nous ramener sur le parcours du Tor des Géants. Nous le retrouverons environ 3 km plus bas, au passage du prochain pont qui permet d’atteindre le dernier village de l’autre côté du torrent qui partage la vallée. La descente serpente dans une forêt de feuillus à présent, assez sombre et humide, sur un sentier qui n’a pas l’air très utilisé et pas toujours soigné. Nous suivons ensuite de nouveau la route et ce tronçon n’est pas le plus charmant mais nous mène finalement à Pontboset où nous avons décidé de chercher une chambre pour dormir. Nous traversons le village à la recherche des auberges et à la sortie, nous en trouvons une, fermée. Nous sonnons plusieurs fois, personne ne répond. Une Française y ayant pension n’arrive pas non-plus à rentrer, n’ayant pas de clé. Elle nous dit que c’est déjà pas mal plein, car ils sont tout un groupe pour un séminaire. Nous essayons de téléphoner au numéro indiqué sur la propagande qui se trouve sous une vitrine vers le porche d’entrée, mais personne ne répond non-plus… Nous décidons de retraverser le village à la recherche du 2è hôtel, qui a dû échapper à notre vigilance. Nous nous renseignons vers un serveur de bar qui fume sa clope dehors et il nous dit qu’il est juste à l’entrée de la rue principale, donc nous y avons passé devant sans nous en rendre compte. Il y a de la place et nous serons gavés au souper. Grissinis salés à volonté, soupe, penne à la tomate, rôti et pdt rôties, salade verte et tomates, fromage, coupe de glace et myrtilles et nous serons servis 2 fois mis à part le dessert. Le père du patron apparemment très heureux de pouvoir nous resservir. J’y dirai que j’ai de la peine à dire non… et la longue étape du jour expliquant peut-être notre faim d’ogre ? Le soir, nous regardons le match de la petite finale du mondial de foot, Brésil-Pays-Bas avec la victoire des « oranje » par 3 à 0 contre le pays organisateur. Le bistrot est archi-comble, des gens du village, les séminaristes, en fait des géologues de divers pays sont là, l’autre hôtel, qui a l’air pourtant chic n’ayant pas de télé. La demi-pension est à 56 € p.p. et le café du petit-déj sera particulièrement savoureux et corsé.

La bonne pension « Isabelle » à l’entrée du village de Pontboset avec son pont romain et une vue de loin

7ème jour : Pontboset-Hône-Bard-Donnas-Perloz-Tour d’Hereraz-Sassa (aubergeEtoile du Berger).

Distance du jour: 26 km, distance totale : 218,5 km.
Temps du jour: 7h30, temps total : 59h14

Dénivellation positive : 1735 m, dénivellation positive totale : 13'065 m
Dénivellation négative : 1095 m, dénivellation négative totale : 13’210 m

Nous partons de Pontboset avec l’appareil photo en main. Depuis le fond du village, nous prenons quelques clichés et immortalisons un peu plus le magnifique pont romain à deux arches inégales, déjà deux fois millénaire et encore bien utile. La descente dans la vallée principale se fait par un sentier qui longe le torrent par les hauts, donc avant de descendre, il faut monter un peu. La forêt mélangée d’essences diverses, feuillues et résineuses nous réserve quelques belles surprises mycologiques avec des poussées de girolles principalement, qui balisent le sentier. Quelques beaux spécimens de bolets à pieds raboteux et un bolet pomme de pin finissent de me réjouir. Nous croisons un groupe de marcheurs qui s’en vont rejoindre de la parenté pour le week-end à Pontboset. Ils nous demandent si nous avons vu des champignons. A l’évocation des bolets et des chanterelles, deux s’en vont rapidement en avant, afin de satisfaire leur besoin de cueillette.


Ruine en pleine forêt, bolet orangé des pins, bolet pomme de pin, pont suspendu, fort de Bard

La fin de la descente est plus raide et moins intéressante, les champignons disparaissant dans la forêt qui à présent ne comporte presque plus que des châtaigniers. Nous traversons Hône et l’autoroute par-dessous, face à l’imposant fort de Bard. La rivière du Val d’Aoste, la Doire Baltée ou Dora Baltea est bien large à cet endroit et nous la traversons pour entrer dans le vieux village de Bard que nous remontons par une rue à plusieurs échoppes artisanales, dont un sculpteur sur bois. A l’entrée de Donnas, quelques kilomètres plus loin, nous visitons un autre artisan du bois qui construit en modèle réduit pour enfants, des tracteurs, motos, voitures, avion et d’autres objets très réalistes et magnifiques dans la finition. Nous goûtons à plusieurs fruits que nous maraudons mais la plupart manquent encore de maturité. Mention bien pour la poire et les pruneaux. Les pommes et raisins ne sont pas encore mûrs et les figues non-plus. .

Le sentier s’élève ensuite dans des taillis de châtaigniers. Les passages en forêt alternent avec des tronçons le long de petites routes et de petits hameaux. Le sentier n’est pas toujours très bien entretenu même si le marquage est omniprésent et ne permet pas de se perdre. Alors que je trouve le sol assez sec et propice à la vie des serpents, donnant toujours l’allure, je demande à Julia si elle ne veut pas pour une fois mener et pouvoir imprimer son propre rythme. Je redoute en fait le serpent en travers du chemin… mais elle, même si elle ne le dit pas, certainement aussi. Comme elle préfère rester derrière, je suis bien obligé d’être aux avant-postes et cela ne manque pas, en escaladant quelques marches d’escalier pour atteindre une route, un long serpent d’une bonne cinquantaine de centimètre me barre le chemin. J’ai un haut le corps qui me glace le sang et ne peut retenir un drôle de cri. Julia prétend qu’il est mort car il ne bouge pas. Alors, à l’aide de mon piolet je le touche et le pousse de quelques centimètres et enfin il se met en mouvement et s’écarte dans la broussaille. Je ne suis pas spécialiste mais je penche pour une vipère aspic, bien noire et un peu écailleuse.

Je suis bien content de marcher ensuite sur cette chaussée asphaltée, le temps de me remettre et d’oublier, quoi que… Plus haut, dans les prochains sous-bois, je serai à nouveau vigilant mais n’aurai plus de mauvaise rencontre. En effet, je n’aime pas ces apparitions surprises sur mon chemin qui me donnent toujours la chair de poule. Le sentier domine ensuite dans la forêt un à-pic de rocher avec une belle vue sur le fond de la vallée. Perloz est le village en contre-bas que l’on traverse par de magnifiques ruelles pour aller enjamber grâce à un splendide pont romain la rivière Lys, descendant de Gressoney. Nous remontons la pente de l’autre côté de la vallée pour traverser le village de Tour d’Hereraz. Nous faisons le plein de nos bouteilles à une fontaine et 3 chiens très hargneux nous aboient dans le jardin adjacent, derrière le treillis métallique. Je les arrose pour les faire taire, mais ça ne marche pas trop longtemps. De là, le sentier monte par de grands chemins blancs alternés de sentiers très raides, bien larges et entretenus car fauchés et d’autres de style monotrace à travers des prés non coupés qui nous trempent les pieds, l’herbe étant mouillée. Un petit tronçon tout plat nous conduit sur des passerelles accrochées à la falaise avant de passer un pont au fond d’une combe. Nous demandons à un automobiliste que nous arrêtons où se trouve Sassa et l’Etoile du Berger, car nous pensons être assez montés et ne trouvons pas de signalisation, le hameau étant de toute manière éclaté avec des maisons très distantes les unes des autres. Il nous répond qu’il n’y a qu’à suivre la route, c’est à 400 mètres, un peu plus haut. Nous avons eu de la peine à interpréter la signalisation d’un carrefour de sentiers et n’arrivons pas à l’auberge avec le tracé du Tor des Géants.


Fort de Bard, le fameux serpent-vipère à mon avis, les rues aux belles et antiques demeures de Perloz

Un pont romain avant Tour d’Herera, L’excellente auberge Etoile du Berger, avec ses magnifiques voûtes etc…

L’accueil est formidable, le lieu enchanteur et la restauration toute récente des bâtiments est faite avec beaucoup d’amour, des finitions impeccables et une âme bienveillante à mon avis habite ces murs où l’on se sent tout de suite à l’aise. Nous allons passer une bonne soirée avec nos hôtes après un excellent repas de chasse et autres délices. Deux portions de lasagne, deux services de ragoût de cerf chassé par le père du patron et pomme de terre en purée maison, salade, du strudel aux poires, de la panna cotta et des baies des bois finissent au fond sans fin de notre estomac. Le génépi maison s’avère être un vrai régal. Nous parlons beaucoup de l’histoire de la transformation de ces presque ruines en auberge et également du Tor des Géants. Il y a ici un gros poste de ravitaillement après 161 km et on apprend que la majorité des coureurs est ici déjà à moitié morte. Rien d’étonnant, mais ils en sont à peine à la moitié. Nous regardons la finale du mondial de foot entre les Argentins et les Allemands avec la victoire de ceux-ci. Julia est championne du monde, enfin…quand même un peu ? La demi-pension est à 50 € p.p.

8ème jour : Sassa-Refuge Coda-Lago Vargno-Colle Marmuntana-Crenna dou Leui-Colle della Vecchia-Gaby Niel.

Distance du jour: 31 km, distance totale : 249,5 km.
Temps du jour: 9h50, temps total : 69h04

Dénivellation positive : 2435 m, dénivellation positive totale : 15'500 m
Dénivellation négative : 2360 m, dénivellation négative totale : 15’570 m

Les habits dont nous avons fait la lessive ont bien séché durant la nuit. Ah le plaisir de remettre parfois des habits propres. Je profite de le faire environ tous les 2 à 3 jours, Julia s’occupe bien plus souvent de ça, mais la virilité me permet de sauter parfois mon tour… je rigole bien sûr ! Le déjeuner est composé de confitures maisons dont un excellent mélange rhubarbe-pomme à se relever la nuit. Divers tartes et cakes, fromage, jambon, miel, yoghurt et céréales complètent à merveille la palette des produits du pays. Le réservoir est plein, on peut attaquer la journée avec la première ascension jusqu’au refuge Coda. Cette partie dans les alpages boisés de mélèzes et d’arolles est splendide. Le dernier bout avant le refuge se fait sur une crête. Un coureur nous rattrape au moment où on atteint la cabane. Nous nous trompons de chemin, faisant le petit sommet qui la domine, la Punta Sella à 2315 mètres. Nous redescendons sur nos pas et le coureur après un arrêt ravitaillement nous indique la bonne direction. Nous le voyons encore dans la descente abrupte qui suit puis, comme il court, disparaît de notre vue. Peu après, il y aura encore un couple de coureurs qui nous dépasseront avant le lac Vargno, où nous faisons une petite halte pique-nique au bord de l’eau.


Refuge Coda, le lac Vargno et une carcasse de mouton dépecée, le pont romain à l’entrée de Gaby-Niel

Il y a un barrage qui en réhausse les rives. Un pêcheur nous dit qu’il n’a pas le droit de pêcher dans le lac mais qu’il a le droit de pêcher dans les torrents qui le remplissent. Je doute un peu qu’il y ait du poisson dans ces torrents. Probablement que situé vers la fin du torrent, son fil est assez long pour filer jusque sur le lac et faire croire qu’il respecte le lieu de pêche autorisé ? Comme nous sommes dans un trou, il faut bien en ressortir donc ça remonte dans des prairies puis dans la forêt et de nouveau dans des alpages. Il faisait beau jusque-là mais le ciel se couvre en un temps record et nous fait grâce d’une pluie fine et glaçante à nouveau. Nous nous trompons à nouveau de chemin en raison de travaux de réfection sur ceux-ci. Elargissement et pose de drains. Mais nous nous rendons vite compte que nous avons suivi de fausses traces qui nous font tourner en rond car nous dominons à nouveau le lac Vargno. Donc demi-tour sous la pluie et nous retrouvons les bonnes marques 400 mètres après le croisement de chemin et notre erreur de route. On quitte la piste en réfection pour grimper dans l’herbe à travers les alpages, puis nous retrouvons la groise du chemin non encore tassée qui colle bien à nos chaussures. Je porte des savates de courses New-Balance, modèle trail et Julia des chaussures de marche légères en cuir souple Salomon. J’ai les pieds un peu plus vite mouillés que les siens, mais quand elle a les souliers qui laissent passer l’eau, ils font plus longs que les miens pour sécher. Nous arrivons à un alpage, cul de sac de la route et le sentier est un peu défoncé et en mauvais état. Finalement, le Col Marmuntana à 2358 m est atteint dans le brouillard, après une accalmie de pluie et quelques rayons de soleil. Nous nous habillons au col où le vent est froid et fort. A peine nous sommes descendus de quelques centaines de mètres que le vent disparaît et que la température nous oblige à nous déshabiller de notre imperméable. Un autre couple de coureurs s’entraînant aussi pour le Tor des Géants nous rattrape, on discute un peu et ils s’en vont.

Les fleurs sont encore très printanières à cet endroit, probablement que la neige n’a pas disparu depuis trop longtemps. Nous aurons d’ailleurs un petit névé à traverser. Deux carcasses de moutons ont leur squelette démembré. La tête par-çi, des jambes par-là, la colonne vertébrale au milieu d’une tache de laine. Y-aurait-il des loups qui nous surveillent ? Tant mieux s’ils ont peur des humains ! Plus loin, nous coupons au milieu d’un troupeau mélangé de chèvres et de moutons, dont plusieurs chiens gardent le troupeau. Nous voyons un homme mais il a davantage l’air d’un marcheur qu’un berger. De là, cela monte raide et avec Julia nous forçons l’allure, montons en style sportif. Au premier tiers la pente se casse un peu et cela nous permet de voir plus haut les deux coureurs…que je trouve rattrapable à condition d’en remettre une bonne couche. Je me donne donc entièrement dans mon effort afin de les rattraper. J’ai environ 5 minutes de retard. Le col Crenna dou Leui, à 2340 mètres d’altitude est malheureusement trop bas, je vais arriver une trentaine de secondes derrière eux mais ils me font plaisir en remarquant que j’ai mis le turbo. Il y avait environ 400 mètres de dénivellation pour cette ascension. J’attends Julia durant quelques minutes et elle émerge du brouillard de nouveau présent. La météo joue à se changer mais ne sait pas dans quel costume se fixer.

Le sentier est ensuite étroit avec de hautes herbes ou des vernes penchées qui empêchent de voir où poser ses pieds. L’avance n’est pas des plus aisées depuis le lac Vargno, cette partie est moins courues par les marcheurs, le balisage est aussi moins présent. Nous arrivons enfin au Col de la Vieille, Colle della Vecchia à 2185 m. Le Piémont fait frontière à cet endroit et une vue s’offre à nous jusqu’à la plaine du Pô. Le col est sous une bonne couche de neige mais étrangement surtout sur la face direction sud, en direction de la cabane. Nous descendons du côté nord un chemin bien empierré et large. Ensuite, on traverse des alpages avant de trouver une descente raide en forêt et puis ça remonte… alors qu’on croyait que la journée allait finir qu’en descente. Cette remontée est pénible car nous avons faim et soif, surtout soif, car nous n’avons pas retrouvé d’eau pour remplir nos gourdes depuis le départ de ce matin. Donc nous manquons singulièrement d’énergie pour ces 200 m de dénivelé qui n’en finissent pas. Un panneau nous indique que la pension et restaurant La Gruba se trouve à 15 minutes de marche. Cela nous donne des forces, on commence à sentir l’avoine de l’écurie. Le torrent se fait entendre peu avant qu’on l’atteigne et un pont nous fait passer de l’autre côté tout en nous faisant sortir des bois. Plus que quelques centaines de mètres et l’arrivée est là, au village de Gaby avec encore un pont romain à l’entrée.

Nous avons la chance de louer une des deux dernières chambres, je crois qu’elles ne sont pas légion dans la région. Nous avions éventuellement prévu de nous rendre à Gressoney si tout était complet, mais il nous aurait fallu casser la croûte et se désaltérer abondamment. L’auberge La Gruba est aussi nouvellement rénovée à partir d’une vieille bâtisse dans un style rustique mais aéré et avec beaucoup de goût, de charme et là aussi, on s’y sent bien. A croire que les vieilles poutres et pierres rafraichies nous donnent la force qu’elles ont dû avoir pour traverser les siècles. La salle de bain est moderne et fonctionnelle et le parquet ne grince pas. Nous avons la vue sur le village. La demi-pension se situe à 60 €. Nous pouvons choisir sur la carte ce que nous voulons manger : Feuilleté aux cèpes en entrée, puis de la mocetta d’asino (viande séchée d’âne typique de la vallée d’Aoste) et des tranches de sanglier avec ses légumes et des meringues aux châtaignes au dessert. Julia mange des raviolis à la bourrache, de délicieuses tagliata de bœuf et des meringues aux baies des bois en dessert. Nous essayons de choisir toujours les plats typiques de la région, avec des produits valdotains et nous avons été subjugués…que de délices bien présentés de surcroît !

9ème jour : Gaby-Col Lazouney-Gressoney-Alpenzu-Col Pinter-Cuneaz-Ref. Crest–Resy-St. Jacques Distance du jour: 35 km, distance totale : 284.5 km.
Temps du jour: 10h40, temps total : 79h44

Dénivellation positive 2550 m, dénivellation positive totale : 18’050 m
Dénivellation négative : 2400 m, dénivellation négative totale : 17’970 m

Quand on dort bien et qu’on mange bien, on se sent en forme pour repartir de bon pied, bon œil. Le départ se fait en montée assez soutenue pour 900 m de dénivellation jusqu’au Col Lazouney à 2400 mètres. Nous mettons la moitié du temps prévu sur les panneaux, soit 1h20 au lieu de 2h40. Par contre, nous marchons en général dans les temps les parties plates ou descendantes. Nous ne cherchons pas à faire des records, mais sommes demandeurs d’efforts plus soutenus pour nous faire plaisir. Les montées sont idéales pour ça.


Vue sur Niel-Gaby, le Col Lazouney à 2400 m et le magnifique tronçon menant à Gressoney,

Une fois au col, un replat complètement marécageux de la fonte des neiges encore présente sur les bords nous crée quelques soucis pour ne pas nous embourber. Puis c’est une descente en pente très douce jusqu’à Gressoney par de grands alpages, dont celui de Loo, où nous voyons une vieille dame devant sa maison, des ânes, des chèvres et quelques vaches aux alentours. Le temps à l’air de s’être fixé sur beau, sans qu’il fasse trop chaud, donc c’est bien agréable pour randonner. A Gressoney-St-Jean, nous faisons une halte épicerie pour pique-niquer à la mi-journée après avoir fait nos achats chez Spar. La caissière du magasin nous demande si nous montons à Alpenzu et si nous pouvons monter le journal. Le village est très long à traverser, c’est en fait une succession de hameaux collés les uns aux autres avec de grands hôtels dont plusieurs sont fermés. Nous apprenons que la langue allemande est de nos jours presque plus parlée. Pourtant, ce village fut le théâtre d’exode des Walser, venus de l’autre côté des montagnes du nord, du haut-Valais. La montée à Alpenzu est courte d’environ 300 m de dénivelé mais en grande partie en plein soleil, l’après-midi. Nous faisons notre petit travail de facteur en remettant le journal à la patronne du refuge. De nombreux jeunes, en vacances d’été se prélassent dans l’herbe. Nous partons à la conquête du Col Pinter en traversant quelques enclos électrifiés pour vaches. Ce serait mieux si elles avaient les jambes plus courtes d’un côté, comme le yéti, pour avancer dans ses pentes abruptes. Depuis notre aventure avec une vache combattante, nous gardons un œil sur elles et leurs réactions. Il y a encore une ou deux étables puis nous quittons les prairies pour un passage un peu plus boisé. Le Col Pinter culmine à 2777 mètres. Depuis le fond de vallée jusqu’au col, les panneaux donnent 3h30 et nous ferons 2h10. Rien que pour la grimpette à Alpenzu, nous avons déjà gagné 41 minutes sur les temps indiqués. Nous profitons parfois d’ascension pour nous faire monter les puls et faire une sorte d’entraînement. Nous sentons vivre nos muscles des jambes qui deviennent forts, réactifs.

Vue sur le Mont-Rose, le Col Pinter à 2777 m, vue sur les alpes direction Suisse, notre auberge à St. Jacques

Nous avons la chance de voir le massif du Mont-Rose en quittant Alpenzu, avec sa très grosse calotte blanche de neige et de glace. Un grand névé nous attend de l’autre côté du Pinter et étonnamment, la neige porte parfois, malgré la chaleur elle n’est pas trop pourrie, sauf dans sa partie inférieure, plus plate. La descente de l’autre côté va nous sembler longue jusqu’à St-Jacques, car en fait après une descente jusqu’au refuge Crest, il y a une longue partie de remontées et de replats, avant la raide descente finale depuis le refuge Guide Frachey. Là, c’est la cohue, les deux refuges qui se côtoient doivent être complets. Nous nous désaltérons à une terrasse du hameau de Cunéaz, peu avant Crest. Le petit hameau de Résy abrite encore plusieurs familles vivant de l’agriculture et dans tous ces petits alpages, il est possible de trouver une auberge, un refuge, bref un toit pour dormir. Ce n’est pas cela qui manque entre le Col Pinter et St-Jacques, il est possible de raccourcir son étape.

Nous arrivons à St-Jacques assez fatigués de notre longue journée durant laquelle le soleil nous a éprouvés pour la première fois par ses chauds rayons. On se dirige vers une crêperie-restaurant à la quête d’un toit. Les tenancières n’ont pas de chambre, mais la cousine, oui…et juste à côté, attendez, je lui téléphone et quelques minutes plus tard, une dame nous ouvre une grande bâtisse avec des petits studios en location. Cela va faire notre affaire et nous pouvons manger à la crêperie, le lieu de rendez-vous du village, un menu qui nous retape bien. Ce soir, nous allons goûter des pains grillés à l’huile d’olive et tomates, fromage, pancetta, spaghettis valdotains, de la bresa de chamois et du rôti avec salades, des crêpes aux fruits des bois, de la glace-yoghurt aux noisettes. Après le dessert, la patronne nous met un litre de génépi sur la table. Servez-vous comme il vous plaira ! Eh bien, on l’a goûtée, ce serait malhonnête de refuser, de leur faire cet affront, non ? L’accueil et la serviabilité des Valdotains sont encore une fois magnifiquement démontrés. Nous croisons un peu nos menus que nous prenons en général différents, pour pouvoir goûter un maximum de choses. Vers 21h, nous faisons sauter les plombs de notre appartement et nous devons déranger la propriétaire. Sûrement que la bouilloire pour remplir nos gourdes de thé, le four pour chauffer les habits lavés, la cuisinière pour du café, le foehn pour cheveux ont un peu trop tiré de watts. La chambre est à 60 € et on mange et on boit très bien à deux pour 50 €. Ce sont des prix assez standard à cette saison en vallée d’Aoste, avec des demi-pensions entre 45 et 65 €, sans de grande différence sur la composition des menus, ni sur la quantité.

Les moutons parqués pour la nuit, Le Mont-Rose ?, Le refuge Grand Tournalin, Le Col de Nannaz à 2773m

10ème jour : St. Jacques-Ref. Gd Tournalin-Col di Nana-Col des Fontaines-Cheneil-Valtournenche-Ref. Barmasse-Fenêtre d’Ersaz-Torgnon-Fenêtre de Tzan-Biv. Reboulaz-Col Terray-Ref. Cuney

Distance du jour: 37.2 km, distance totale : 321.7 km.
Temps du jour: 11h15, temps total : 90h59

Dénivellation positive 3195 m, dénivellation positive totale : 21’245 m
Dénivellation négative : 2255 m, dénivellation négative totale : 20’225 m

La petite cafetière italienne et le café mis à disposition nous parfument agréablement le studio sitôt notre réveil et la plaque allumée. Nous déjeunons avec un paquet de biscuits fourrés aux figues, assez moelleux et nourrissants. Nous partons d'assez bonne heure vers 7h15 du matin, en raison de la longue journée planifiée.

Le temps est doux et s'annonce beau pour la journée, le ciel paraît dégagé. Nous passons aux abords d'un B&B sur le haut du village. Il y a donc plusieurs possibilités de dormir, il y a du reste un grand hôtel à l'entrée, mais ils n'ont pas de restaurants semble-t-il, à ce qu'on nous a dit. Nous passons à côté d'un enclos qui doit contenir plusieurs centaines de moutons, avec quelques ânes et des chiens. Sûrement parqués là pour la nuit, en protection d'éventuels loups peut-être? C'est en tout cas ce que je pense, après avoir vu les cadavres de moutons lors de l'étape nous menant à Gaby. Au refuge du Grand Tournalin, nous apercevons à travers les fenêtres, les gens attablés à déjeuner. Le col di Nana, situé à 2770 mètres, n'est plus très loin et la partie finale est plus raide, je force l'allure en voyant 2 marcheurs afin de les rattraper. Nous montons en 1h20 au lieu de 2h. Ce sont 2 jeunes qui ont prévus de faire un bout de la Via No 1, d'avancer selon leur envie et le poids de leur sac, qui a l'air bien lourd, car il contient tout le nécessaire pour bivouaquer. Nous discutons ainsi un moment, avant de rejoindre le Col des Fontaines à 2695 mètres, éloigné d'une petite demi-heure. Là, c'est sublime, nous avons le Cervin qui apparaît, majestueux dans un ciel bleu de carte postale.

Nous faisons une petite halte pique-nique, histoire de manger un peu de salé avec quelques rondelles de saucisses sèches et d'un peu de fromage. Dans la descente, nous rencontrons un Allemand qui fait à VTT, le tour du massif du Mont-Rose. Il bivouaque aussi. Par contre, avec la difficulté et la raideur des sentiers, il ne me fait pas envie. J'imagine qu'il doit pas mal pousser à la montée et en descente la chute doit être omniprésente ou alors il faut retenir son vélo, son chargement. Mais chacun son dada… Il a beau être à vélo, il ne fait pas de grandes étapes, ce qui confirme partiellement mes idées de galère qu'il doit vivre. Le beau temps amène des randonneurs et autres touristes sur les hauteurs, nous croisons tout un groupe avec qui nous parlons des sommets qui nous font face en direction de la frontière avec la Suisse. Il semblerait donc qu'on peut admirer la Dent d'Hérens, les 2 sommets des Jumeaux et qu'on distingue la pointe de la Dent-Blanche, à moins que ce soit le haut du Weisshorn, en plus du Cervin, bien sûr facilement reconnaissable même depuis le Sud.

Depuis le petit hameau de Cheneil, nous allons nous mettre à courir à la descente en nous appliquant à bien utiliser les bâtons pour amortir nos sauts du poids du corps. 33 minutes en lieu et place de 1h20. Nous gagnons du temps. Nous avons averti le gardien du refuge Cuney que nous arriverons peut-être vers 19h30-20h et que nous aimerions manger. Une petite ruelle bien charmante et typique nous accueille à l'entrée de Cretaz, hameau collé à Valtournenche où nous faisons une bonne halte de 45 minutes pour faire quelques achats nourriture et nous restaurer. Il fait vraiment chaud et nous allons bien suer dans la montée jusqu'au Refuge Barmasse, avec Thiébaud (le nom du soleil en pays neuchâtelois) qui nous tape bien dessus. Mais nous ne faisons qu'1h20 au lieu de 2h comme indiqué malgré la chaleur. Nous y rencontrons un homme et une femme gardes-forestier. Ils sont occupés à entretenir les panneaux indicatifs de randonnée. Ils nous apprennent que le mode de calcul des temps de marche est celui de Suisse. Pourtant, les temps calculés sur les secteurs de plat et descente sont à mon avis très serrés, nous avons de la peine à gagner du temps, au contraire de ceux faits en montée, mais c'est vrai que nous gravissons les cols en style entraînement de trail, soit en marche forcée avec quelques petits tronçons courus… surtout quand Julia est devant et croit être hors de ma vue, alors elle court pour essayer de me prendre du temps, mais je veille au grain!


Le Cervin en partie caché, Le col des Fontaines à 2695m, Le hameau de Chéneil, Le refuge Barmasse

A la Fenêtre d'Ersa, à 2293 mètres, nous discutons avec une Française qui fait la Via no 1 aussi en bivouaquant le plus possible. Son pantalon est déchiré à une fesse, elle nous dit avoir chuté et s’être fait agripper au pantalon. Sur le sentier descendant, je suis effrayé par un oiseau qui s'envole des herbes avec un gros battement d'aile juste à côté de moi, surpris lui aussi probablement. Plus loin, ce sera une marmotte qui déguerpira au dernier moment, un mètre devant moi. Là aussi, j'ai été surpris, je l'avais d'abord prise pour un caillou avant qu'elle ne bouge! Nous faisons les pleins des gourdes dans un torrent que nous traversons. Je ne crois pas que l'on risque grand-chose, je ne pense pas qu'il y ait sur un alpage au-dessus, des moutons potentiellement pollueurs pour de l'eau bue par des humains. Cela remonte pour passer la Fenêtre de Tzan à 2738 mètres dans un environnement très minéral composé de gros blocs de roches et petits lacs. Le chemin a fait un grand arc de cercle depuis Ersa. Au passage devant le bivouac Reboulaz, on nous demande si nous nous y arrêtons car c'est minuscule et ça à l'air déjà bien occupé. Une fontaine en forme d'animal tire mon attention devant le refuge. Juste après, nous croisons une dizaine de personnes qui font halte justement là. Ils vont se tenir chaud toute cette équipe mélangée à ceux déjà présents. La montée du Col Terray à 2775 mètres d'altitude est courte mais assez raide, la descente vertigineuse dans de très petits lacets. Sur le replat du col, une croix en bois en souvenir d'un alpiniste. Dans la montée qui suit ensuite à flanc de coteaux, si on se retourne pour voir le sentier parcouru, on voit une petite trace dans cette pente impressionnante. Une corde fixe nous aide à passer un névé à 15 minutes avant le Refuge Cuney. Un homme qui n’a qu’un bras doit aussi y passer. Il est aidé et épaulé par d'autres personnes pour ce petit bout. Le névé est en forme d'entonnoir qui donne sur des rochers, donc avec l'abrupte de la pente, on ne se sent pas des plus sûrs.


Fenêtre de Tsan à 2738m, Un dragon des alpes, Le bivouac Reboulaz et un lac sur les hauts de Tsan


Le Col Terray 2775m et la vertigineuse descente dont on distingue les zig zag du sentier parsemé de gentianes bleues

Le passage du névé, Soleil couchant direction Mt-Rose, Le refuge Cuney et l’église, plus haut lieu de culte d’Europe

Nous arrivons au Refuge Cuney après 11h15 de route, bien plus vite que prévu. Nos 3 secteurs parcourus en mode forcing nous ont bien fait gagner du temps, même si on en a reperdu pour la grosse pause à Valtournenche. Mais bon, les glaces bounty nous ont aussi fait du bien, comme le pique-nique descendu sur place. Après avoir pris nos quartiers dans le dortoir et nous être rafraîchis, je visite la petite église qui prétend être le lieu de culte le plus haut d'Europe en activité. Avec le soleil déjà un peu couchant, je profite de faire quelques photos des alentours, grandioses et magnifiques.

Au souper, nous discutons avec un Milanais, ayant famille à Rhême-Notre-Dame qui travaille à Bruxelles et un Piémontais qui tient une boulangerie dans une ville du Piémont, dont l'origine de leur levain a plusieurs générations, une soixantaine d'année. Il dit qu'une partie est conservée dans un congélateur, au cas où un problème arriverait à la partie principale du levain. Ainsi, lui et son père qui gèrent cette boulangerie peuvent garantir la continuité du goût de leurs pains, typique dit-il. Nous faisons aussi connaissance de Suisses allemands et nous passons une très bonne petite soirée. En effet, le coucher se fait de bonne heure pour tous, cherchant à recouvrer les forces laissées ce jour sur les sentiers pour repartir en forme demain. La demi-pension à la cabane avec une bière chacun et d'autres boissons nous revient à 93€. Le souper était au point, l'équipe très accueillante et sympathique, mais le déjeuner sera très léger…

11ème jour : Ref. Cuney-Col Chaleby, Ref. Clermont-Col Vessona-Oyace-Col Brison-Rey-Ollomont

Distance du jour: 31 km, distance totale : 352.7 km.
Temps du jour: 10h10, temps total : 101h09

Dénivellation positive 1705 m, dénivellation positive totale : 22'950 m
Dénivellation négative : 2905 m, dénivellation négative totale : 23'130 m

Le ciel est dégagé, le ciel est bleu avec une petite brise très légère comme seul habit invisible mais caressant. On part en cuissette t-shirt et il fait assez chaud malgré tout. Depuis le refuge, ça part en descente puis le sentier devient assez aérien avec une chaîne comme main courante. J’assure mes pas, ayant toujours en tête que mon pied droit bute parfois sans que je le veuille, vu que je n’ai plus le muscle releveur. Donc dans des endroits où la chute ne pardonne pas, où on risque d’être ramassé une cinquantaine ou centaine de mètres plus bas comme un pantin désarticulé, j’assure, je traîne, je prends mon temps. Le premier col du jour, le Chaleby à 2693 m n’est pas très pénible à escalader mais nous avons déjà faim et tapons dans notre chocolat. Nous passons juste au-dessus du minuscule refuge Clermont avant de gravir le Col Vessona à 2788 m. Nous faisons notre petite halte habituelle au col, histoire de découvrir le panorama alentour et éloigné, tout en croquant à nouveau dans nos réserves de cacahuètes salées cette fois. Nous avons un dérèglement par rapport aux autres jours, résultat d’un petit déjeuner maigrichon. On peut admirer le Mont-Blanc devant nous, sur notre gauche au loin à mon avis on voit le Grand-Paradis et derrière nous je pense que le massif du Mont-Rose est aussi visible. Est-ce le Mont Gelé ou le Grand Combin que l’on voit sur notre droite, juste dépasser de l’arête ? En tout cas, avec le ciel azur les sommets enneigés et les chaînes des alpes sont magnifiques. La descente est à nouveau bien raide et l’adhérence est limite. J’ai opté durant ce Tor des Géants pour les bâtons de nordic et je suis bien content de m’en servir, à la descente pour retenir un peu le poids du corps et à la montée pour tout d’abord me tirer sur les bras et pousser un peu ensuite. Nous traversons des alpages, un bout de forêt puis des prairies au fond d’un vallon où quelques vaches paissent de parts et d’autres du torrent. Un trax est là, alors que le chemin pour y parvenir ne semble pas trop carrossable pour lui. Hélicoptère ou chemin venant du haut d’un autre côté que celui que nous avons pris ? Un peu de mystère… à moins qu’il soit venu en pièces détachées par la voie des airs et remonté sur place.

Il y a bien un véhicule tout terrain genre jeep en direction du Rutor, en face du refuge Deffayes. Et ce véhicule a été monté à dos d’homme en pièces détachées et remonté sur place. Il était prévu pour treuiller des câbles en vue de construire un télécabine et le projet n’a jamais décollé. Mais la jeep est restée là-haut…dixit les gardiens du refuge Deffeyes. Cette jeep tout terrain avec treuil est le témoin qu’à l’époque la nature n’était guère trop protégée. Il y a eu des stations qui ont poussé comme des champignons un peu partout dans les Alpes. Depuis, certaines ont dû fermer…trop petites ou situées trop bas en altitude avec la neige qui se fait désirer. Cette jeep témoigne aujourd’hui de la sagesse des hommes d’avoir renoncé à un projet de plus ? Certainement que la raison du renoncement n’était pas la sagesse mais un financement difficile ou un accès compliqué ! Pour autant, on se demande ce que fait ce trax en ce lieu perdu.


Col Chaleby avec vue magnifique à 360 ° sur le Mt-Blanc, le Grand Paradis et encore le Mt-Blanc depuis Col Brison

Pour le moment, la descente nous semble assez longue car l’estomac est relativement vide et nous sommes intéressé à le remplir. Nous attendons beaucoup du village d’Oyace pour nous retaper. Au fond de vallée, un pont romain nous permet de passer par-dessus une gorge très étroite et profonde qui voit passer une bruyante eau tumultueuse. Le versant opposé est en plein soleil et nous montons sur le coup de midi, nous souffrons un peu de la chaleur comme lors de la montée de Valtournenche à Refuge Barmasse. Nous arrivons sur le haut d’Oyace, en face d’une fontaine d’où le sentier est indiqué pour le Col Brison. Faisons-nous le détour jusqu’au village, 600 m plus bas ou est-ce que l’on monte directement ? Nous optons pour aller chercher du ravitaillement et de la boisson même si l’eau est ici à disposition. Tout au village est fermé et il n’ouvre le petit magasin qu’à 14h30. Nous repartons donc… et là, je me trompe en interprétant mal la carte. Aller-retour de 1000 m environ, notre soi-disant chemin se perdant dans les buissons. Retour au village et nous trouvons de nouveau quelques marques du Tor des Géants. Mais au-dessus du village, vers le réservoir, nous ne savons pas trop où ça passe. Nous prenons droit en haut et retrouvons des pierres marquées. Le soleil nous tape bien dessus et on transpire à grosses gouttes. Heureusement nos gourdes sont pleines et on s’est bien abreuvé…à la fontaine. On a perdu une bonne heure à Oyace, nommé aussi Closé, qui ne nous paraît pas accueillant. On a même eu de la peine à trouver une poubelle pour laisser nos déchets. La montée est ensuite sous couvert forestier de mélèzes principalement. Des champignons balisent parfois le bord du sentier. Une famille avec 3 jeunes enfants nous demande d’ailleurs si on en a vu, ils sont à la sortie de la forêt, dans le premier pâturage, à peine en contrebas de plusieurs bâtisses de Bruson d’Arp qui sont à moitié en ruine. Ils pique-niquent. Ils ont fait un bel effort pour être si haut. Une vue plongeante sur la vallée s’offre à nous quelques mètres en contrebas, comme si nous étions au-dessus d’une falaise. Nous avons toujours faim. Vers les anciennes écuries de cet alpage d’Arp, nous finissons une saucisse sèche, 2 ou 3 rondelles chacun. Il ne nous reste plus qu’un bout de fromage qu’on garde au cas-où. Nous avons encore à finir d’escalader ce col. A 20 minutes du haut, un alpage où des vaches broutent dans la combe qui mène aussi en direction d’Oyace. Une ou deux maisons qui semblent utilisables mais dont l’herbe alentour dénote qu’elle n’a pas connu de résidents encore cette année. Enfin le Col Brison, Brizon, Breison, voir Bruson, selon qu’on lit des panneaux ou des cartes il y a plusieurs orthographes, qui viennent du français, du patois Valdotain, de l’italien, du patois plutôt italien ou autres, comme beaucoup de noms en Vallée d’Aoste du reste.

Une vue plongeante donne sur Ollomont et me procure un sentiment de vertige tellement c’est à nos pied là, tout en bas dans la vallée. Nous finissons notre fromage, il nous reste environ 2 h de descente mais je redoute ce départ dont le vide m’attire. Mais en marchant, je suis aussi rassuré de constater que la montagne est taillée en escalier géant pour stabiliser la neige probablement. Donc, si on chute, on est retenu par ces terre-pleins.
Avec la faim qui nous tenaille et la boisson qu’on économise drastiquement, on rêve de tomber sur une métairie, un bistrot d’alpage. On en voit justement un plus bas, avec des parasols ouverts, en pleins prés. Un chemin finit à cet endroit. Nous nous réjouissons déjà de pouvoir nous refaire un peu avec des boissons bien fraîches et qui sait avec de quoi croquer un morceau. Arrivé à quelques encablures, nous remarquons que le lieu est en chantier et ce que nous prenions pour des parasols est en réalité des machines de chantier et des tas de briques, de planches etc… Nous avons interprété ce que nous désirions voir. Bon, il ne reste plus qu’à nous remotiver après cette brève déception et à rassembler quelques forces pour la descente finale. Il doit nous rester moins d’une heure jusqu’à Ollomont et je finis les quelques gouttes de ma bouteille. Ma bouche est un peu pâteuse de sécheresse.


Col Brison avec vue plongeante sur Ollomont, le Grand-Combin vu d’Ollomont et la pension A la Mine d’Antan

Arrivé à Ollomont, nous nous arrêtons au petit magasin. J’ai faim et j’ai envie de ne plus avoir faim. Donc je mange 2 yoghurts myrtilles, une grosse poire et une grosse pêche bien juteuses et je bois 3 dl de coca et 3 de thé froid. On se renseigne où il est possible de dormir et nous nous rendons à l’auberge A la Mine d’antan.
Il y avait à l’époque des mines d’amiante sur les hauteurs de la vallée, jusqu’à quand elles ont été exploitée, c’est un mystère et je n’ai trouvé aucun renseignement sur le sujet.
La pension « A la Mine d’antan » située dans le petit hameau de Rey, au pied du sentier menant au Col Champillon est tenue par une famille venue de Sicile il y a 3 ou 4 ans de cela. La grand-mère avait l’air de regretter le climat clément de son île tout comme une sœur de la patronne. Par contre le couple de tenanciers âgés d’une trentaine d’année avait l’air content de sa nouvelle vie, car ils sont enfin patron.
Excellent établissement avec des chambres magnifiquement rénovées avec beaucoup d’espace dans le style rustique typique de la Vallée d’Aoste, bois et pierres mélangés. Demi-pension avec menus copieux autant au souper qu’au déjeuner pour 100 € pour 2. A recommander également… comme quasiment toutes nos haltes ! Avons-nous eu de la chance ou le hasard d’être tombé sur les bonnes adresses ou est-ce partout la règle en Vallée d’Aoste ? Je ne demande qu’à y retourner et je pense qu’ailleurs cela doit être pareil, les hôteliers-restaurateurs de la Vallée d’Aoste sont accueillants et aux petits soins avec de bons produits en quantité pour leurs hôtes.

12ème jour : Ollomont-Refuge Letey-Col Champillon-Pontelle Desot-St Remy en bosse

Distance du jour: 23 km, distance totale : 375.7 km.
Temps du jour: 8h14, temps total : 109h23

Dénivellation positive 1585 m, dénivellation positive totale : 24’535 m
Dénivellation négative : 1295 m, dénivellation négative totale : 24’425 m

Après une nuit et un déjeuner bien réparateur car bien garni avec un excellent café, nous quittons l’auberge « A la mine d’antan » et au moment où je branche mon GPS devant la porte, un marcheur avec un look d’armailli passe devant nous et s’arrête, nous demandant si c’est bien le chemin pour le Col Champillon. Nous apprenons durant la conversation qui s’ensuit qu’il vient effectivement de la Gruyère et qu’il fait quelques jours de marche avec un copain, mais qu’avec une cheville foulée, ce dernier va faire un jour de repos avec le trajet en voiture. Nous montons un bout avec lui mais avec son rythme soutenu, il nous lâche. Nous le retrouvons à la sortie de la forêt, bien essoufflé dans une pause ravitaillement. Nous continuons ensemble un bout tout en discutant et en parlant des sommets environnants en essayant de savoir leur nom en se repérant avec une carte touristique et mes photocopies de la carte topographique suisse. Lui nous dit s’arrêter aujourd’hui au refuge Letey, donc il fait une mini-étape.



Vue sur le Gd-Combin, Le Refuge Letey, La chaîne d’en face avec le col Brison à droite et le Champillon à 2709 m

La vue est magnifique tout autour, le fond de vallée en direction de la Suisse est surplombé par le Grand-Combin blanc de glace. La vallée forme un immense cirque avec Ollomont à l’entrée et on voit quelques bâtisses et hameaux, en fond de vallée, suivant d’où on regarde en montant au col. Nous n’arrêtons pas de nous extasier sur la beauté de notre environnement. Au Col, un névé de neige est encore épais d’un bon mètre. On fait pas mal de photos. On est monté comme des fleurs sans rien manger avant 6 heures de marche. Il est vrai qu’on prend le temps de faire des photos et d’admirer fleurs et paysage.
La descente commence d’abord dans les alpages du haut encore fleuris de quelques fleurs bien printanières, on voit partiellement que la neige était encore présente il n’y a pas si longtemps. Une faille terrestre forme comme une crevasse d’une largeur de 2 mètres sur une bonne dizaine de mètre, tout près du sentier. Par brouillard, même où l’on pourrait se croire en sécurité, il peut exister des dangers. Dans la descente, nous croisons un groupe de scouts belges qui s’enquièrent si la montée est encore longue. Ce sont de jeunes ados entre 12 et 17 ans pour le chef. Ils vont dormir au refuge Letey également. Nous rattrapons un couple de Français à ce moment, arrêtés qu’ils sont pour laisser le passage aux scouts que l’on croise. On discute un peu et nous disent faire aussi des courses de trails. Nous pique-niquons sur le sentier qui longe le flanc de la montagne, plusieurs kilomètres de plat herbeux assez large pour laisser passer une petite jeep, dont quelques traces de pneus trahissent son passage. Sûrement celle des ouvriers qui ont fauché le chemin à la débroussailleuse, croisés un peu plus tôt.
Le chemin herbeux finit par se terminer et rejoindre une route carrossable. Une maison connait quelques travaux de terrassement avec une vue plongeante sur la vallée. Nous arrivons à St-Rémy où un autre groupe de scouts aussi de Belgique nous quémande quelques renseignements. Ils sont un peu perdus et cherchent St-Rémy-en-Bosses. Comme c’est notre lieu final de destination, nous faisons un bout de chemin ensemble jusqu’au moment où nous prenons un raccourci qui doit nous mener sur les hauts du village où est parquée notre voiture. Eux n’ont plus qu’à descendre 500 mètres et arriver à l’entrée de celui-ci. Après nous être trompé de route, arrivant trop haut, nous coupons dans un pré et tombons pile poil sur le parking. L’auto est là bien en forme, qui nous attend avec des habits propres.

Nous optons pour prolonger notre séjour durant le week-end en nous rendant au fond de la Valpelline au barrage des Eaux calmes. Le lendemain, nous ferons une excursion jusqu’à un point de vue au-dessus du Col Collon, dominant le glacier d’Arolla et avec une vue splendide sur la Dent Blanche. La vue porte aussi sur le glacier d’Otemma et les deux mitres de l’Evêque. Splendide. Nous ne sommes pas vraiment équipés pour marcher dans la neige qui ne porte pas toujours. A la descente, je glisse sur une dalle de granit je pense à cause d’un filet d’eau qui a laissé une trace savonneuse et légèrement couverte de mousse microscopique. Cela me fait faire un demi-tour de 180 degrés et je retombe de tout mon long très lourdement sur la hanche et le coude gauches. Le coude aura eu une petite fracture, qui me fait gonfler mon bras très brusquement et amplement seulement 10 jours plus tard, au travail, avec une petite infection. Ce gonflement va durer presque une semaine et je cours ainsi enfle le championnat de Suisse de la montagne le 1er août au Lac Noir et le Gondo Event de 2x 42.2 km les 2 et 3 août. Avec l’effort, les doigts sont encore plus boudinés et n’arrive presque plus à fermer la main. Mais tout rentre finalement dans l’ordre avec une diminution de l’enflure en tenant mon bras le plus possible en l’air quand je ne cours pas.

Parenthèse fermée et retour en Vallée d’Aoste. Finalement, sur les 12 jours de randonnée pour faire le parcours du Tor des Géants, avec quelques petites erreurs de parcours, mais au maximum de 10 km, mon GPS totalise 375.7 km pour 24'535 m de dénivellation. Sur le site de l’organisation, il est annoncé 330 km et 24'000 m de dénivelé pour arrondir. Sur le descriptif 332, 5 km sont totalisés. Mon GPS donne 500 m de plus donc je pense qu’il est précis car en annonçant 24'000 m ils ont arrondi le chiffre. Par contre, en prenant chaque jour les kms au GPS, j’arrive avec 43 km de plus qu’indiqué pour un total de 375,7 km. Il est clair que nous n’avons pas tellement coupé les contours de sentiers et à La Thuile nous faisons une erreur de 5 km environ mais ça fait qu’il reste encore 38 km de trop. A mon avis le mesurage des organisateurs n’est pas précis. Ce qui augmente aussi la moyenne kilométrique de chaque coureur d’un petit peu.

Avec l’excursion supplémentaire du samedi 19 juillet, nous aurons marché 407,7 km pour 25'715 mètres de dénivelé positif et autant de négatif fait en descente en 117h23 minutes. De quoi ne plus avoir de courbatures pour les trails que nous ferons jusqu’à fin septembre, avant que j’aille au Spartathlon. J’aurai aussi une très bonne forme dans les montées raides dans mes compétitions qui me verront rattraper du monde dans les ascensions et limiter la casse dans les descentes, contrairement à ces années passés où je perdais plutôt des rangs sitôt que la descente était un peu technique. Mon GPS marque 110 mètres de différence entre la montée et la descente, ce qui peut varier avec les changements de pression atmosphérique due aux changements de temps brusques.

Au final, un magnifique parcours pour de magnifiques vacances bien actives avec un accueil irréprochable par les acteurs du tourisme valdôtain et de succulentes spécialités à me faire saliver rien que d’y penser.


Le Mont-Vélan à cheval sur la frontière, notre point de départ/arrivée et 2 randonneurs très heureux de leur périple.

Notre 13è jour de randonnée, depuis le barrage des Eaux calmes au Col et point de vue au-dessus du Col Collon et retour par Refuge Moulin


Notre randonnée au Col Collon avec vue sur la Dent Blanche, le glacier d’Otemma et les 2 mitres de l’Evêque, panneau du Col Collon qui fait frontière entre la Suisse et l’Italie.



Le barrage des Eaux calmes, Le refuge Moulin et dans le brouillard la blanche Dent d’Hérens vue d’Italie.


Ci-dessous, les données du site de la course du Tor des Géants, avec les barrières horaires, km, dénivelé etc….





Le récapitulatif de notre randonnée :